Survire en pariant : comment la menace fait la promotion des casinos en ligne en toute impunité ?

Survire en pariant : comment la menace fait la promotion des casinos en ligne en toute impunité ?

Sur YouTube, Facebook et TikTok, Maxime Alexandrov, alias La Menace, enchaîne les vidéos spectaculaires sous le titre “Survivre en pariant”. Le concept est simple : il achète un produit coûteux  une montre, un téléphone, un sac de luxe  puis se fixe pour défi de “rentabiliser” cet achat en misant sur des casinos en ligne.
Le tout est présenté comme un divertissement audacieux, entre défi et hasard. Mais derrière ce ton léger se cache une pratique problématique : la promotion déguisée de sites de jeux d’argent interdits en France.

Car selon le Code de la Sécurité Intérieure, faire la publicité ou l’apologie de casinos en ligne non agréés par l’Autorité nationale des jeux (ANJ) constitue une infraction. Pourtant, malgré la multiplication de ce type de contenus, peu d’influenceurs semblent inquiétés.
Alors, comment expliquer qu’une telle promotion se propage aussi librement sur les réseaux ? Et jusqu’où cette tendance met-elle en danger les internautes, en particulier les plus jeunes ?

“Survivre en pariant” : un concept viral qui normalise le jeu d’argent

Les vidéos de La Menace suivent toutes la même trame : une dépense importante, un besoin de rentabilité et un recours systématique au pari en ligne pour “rattraper” les dépenses.
Ce storytelling crée une tension scénarisée : le spectateur suit la montée de l’adrénaline, la peur de perdre, l’espoir du gain. Résultat : le jeu devient un moyen de s’en sortir, une stratégie de survie plutôt qu’un risque financier.

Cette narration séduit des centaines de milliers de jeunes internautes. Certains reprennent même le format en publiant leurs propres défis sur TikTok.
Mais sous cette apparente légèreté, le message implicite est inquiétant : jouer peut sauver sa situation financière, un discours diamétralement opposé à la réalité des jeux d’argent.
Selon l’Observatoire des Jeux, près de 1,4 million de Français présentent un risque de jeu excessif, et les jeunes de 18 à 25 ans sont les plus vulnérables.

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La loi française est formelle : la promotion des casinos en ligne est interdite

La législation française sur les jeux d’argent est l’une des plus strictes d’Europe.
Depuis la loi du 12 mai 2010, seuls trois types de jeux peuvent être proposés légalement en ligne :

  • les paris sportifs,
  • les paris hippiques,
  • et le poker.

Tous doivent être opérés par des plateformes agréées par l’Autorité nationale des jeux (ANJ), qui contrôle leurs activités, leurs campagnes publicitaires et la protection des joueurs.

En revanche, les casinos en ligne — machines à sous, blackjack, roulette virtuelle — sont strictement interdits.
La promotion ou la mise en avant de ces sites, qu’elle soit directe ou déguisée, tombe sous le coup de la loi.
L’article L.320-9 du Code de la Sécurité Intérieure prévoit des sanctions pouvant aller jusqu’à 100 000 euros d’amende pour quiconque fait la publicité d’un opérateur illégal.

Les influenceurs, tout comme les plateformes de diffusion, sont donc responsables pénalement lorsqu’ils relaient ou monétisent ce type de contenu. Pourtant, dans le cas de La Menace, ses vidéos restent accessibles, cumulant des millions de vues.

Les failles du contrôle : quand la viralité dépasse la régulation

Pourquoi ces vidéos ne sont-elles pas retirées ou signalées plus rapidement ?
Le premier problème réside dans la vitesse de diffusion des contenus sur les réseaux. Les vidéos virales se propagent avant même que les autorités puissent agir. De plus, de nombreux influenceurs hébergent leurs liens de casino sur des serveurs étrangers, rendant le contrôle plus complexe.

L’ANJ, pourtant dotée de pouvoirs accrus depuis 2022, peine à suivre le rythme. Son rôle consiste à bloquer les sites illégaux et à sanctionner les opérateurs, mais pas à réguler directement le contenu des créateurs sur TikTok ou YouTube.
Ainsi, les influenceurs profitent d’une zone grise : tant qu’ils ne mentionnent pas explicitement le nom d’un site ou qu’ils présentent leurs paris comme “du divertissement”, les plateformes hésitent à censurer.

Cette absence de réaction rapide crée une normalisation du risque. Les jeunes utilisateurs, souvent mineurs, perçoivent les casinos en ligne comme un jeu ordinaire.
Une étude menée par l’Institut CSA en 2024 révélait que près de 22 % des adolescents de 15 à 17 ans avaient déjà tenté un jeu d’argent en ligne, souvent via des liens partagés sur les réseaux sociaux.

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Les risques cachés : addiction, arnaques et vulnérabilité des mineurs

Derrière la façade du divertissement se cachent des risques considérables.
Les plateformes de casinos illégaux ne sont soumises à aucun contrôle de sécurité ni vérification d’âge. En quelques clics, un mineur peut s’inscrire, déposer de l’argent et parier sans la moindre restriction.
Ces sites n’ont aucune obligation de transparence sur les taux de redistribution, les probabilités de gain ou les outils de prévention contre l’addiction.

Pour les joueurs, le danger est double :

  • psychologique, avec un risque de dépendance rapide lié à la recherche du “coup de chance” ;
  • financier, car la majorité de ces plateformes sont basées à l’étranger, rendant toute réclamation ou remboursement impossible.

Selon l’ANJ, plus de 500 sites de jeux illégaux ont été recensés en 2024, dont beaucoup ciblent le public francophone.
L’absence de cadre légal transforme donc chaque pari en opération à haut risque, où les pertes peuvent être immédiates et irréversibles.

L’argument du divertissement : une stratégie pour contourner la loi

Les influenceurs comme La Menace justifient souvent leurs vidéos par l’humour ou le divertissement. Ils prétendent ne pas inciter à jouer, mais simplement “montrer une expérience”.
Cette justification ne suffit pourtant pas à les exonérer : la jurisprudence considère que toute mise en scène valorisant un site de jeu illégal, même sans lien commercial explicite, constitue une forme de promotion.

Certaines marques étrangères rémunèrent les créateurs par des commissions d’affiliation, calculées selon les dépôts effectués par leurs abonnés. D’autres leur offrent des bonus sponsorisés, dissimulés sous forme de “crédits tests”.
Dans les deux cas, la finalité est la même : attirer de nouveaux joueurs.

Le problème, c’est que cette forme de marketing est masquée derrière un récit de challenge personnel. Le spectateur ne voit plus un placement de produit, mais une aventure.
Ce brouillage du discours complique la tâche des régulateurs et entretient une illusion de légitimité autour d’activités pourtant interdites.

Chris Sabian

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